Marie-Monique Robin : « le meilleur antidote à l’épidémie réside dans la préservation de la biodiversité »

La journaliste Marie-Monique Robin publie dans quelques jours La Fabrique des pandémies (aux éditions La Découverte), une nouvelle enquête qui montre que le meilleur antidote à l’épidémie réside dans la préservation de la biodiversité.

Comme à son habitude, elle entend s’emparer de ce sujet à travers un film et un livre. Avec le confinement néanmoins, elle a du changer de méthode : rédiger l’ouvrage avant de partir en tournage.

Son point de départ : un article du New York Time intitulé « We made it », publié en janvier 2020. La journaliste décide alors de compiler les travaux prouvant que la préservation de la biodiversité protège de l’émergence de nouvelles maladies : elle s’appuie notamment sur l’écologue spécialiste des parasites Serge Morand, avant d’interroger 65 autres scientifiques venus des cinq continents. Tous font partie d’une discipline encore méconnue, la « disease ecology », ou écologie de la santé. Ils/elles sont virologues, vétérinaires, parasitologues, médecins, et leurs travaux décortiquent le lien entre la santé et les écosystèmes. Tous arrivent à une même conclusion : on ne peut séparer la santé de l’environnement de celle des animaux sauvages et domestiques – et de celles des humains.

« La biodiversité protège : les études terrains et les modélisations sur internet montrent que les pathogènes émergent là où la biodiversité est détruite. Quand on déséquilibre un écosystème, on dérègle les mécanismes de régulation naturels, on détruit les habitats, on modifie la chaîne alimentaire, on néglige le rôle des prédateurs… on élimine, on détruit, on déséquilibre et on créée les conditions de l’apparition de pandémies« , relève ainsi la journaliste, avec qui j’ai eu l’occasion d’échanger il y a peu.

Pour elle, il est crucial de comprendre à quel point climat et biodiversité sont liés : « le changement climatique est provoqué par les mêmes causes que la perte de biodiversité : ces deux mécanismes se nourrissent et il est temps d’enrayer cette logique, au risque de vivre avec un masque toute notre vie… » Pour cause : la majorité des spécialistes estiment que la Covid-19 ne fait pas parti des pathogènes les plus dangereux. Comprenez, entre les lignes : si nous continuons ainsi, ça pourrait être pire… « Excusez moi l’expression, mais pour la majorité des scientifiques que j’ai interrogés, la Covid-19, c’est du ‘pipi de chat’ » insiste-t-elle.

S’il est donc crucial de mettre fin à notre destruction du vivant, il est aussi essentiel de comprendre à quel point nos interactions avec un environnement sain nous protègent, en renforçant nos défenses immunitaires. « De nombreuses études montrent que les enfants nés dans milieux bio-divers n’ont pas d’asthme, ne souffrent pas d’obésité, etc. Aux Etats-Unis, chez les Amish, les enfants développent un excellent système immunitaire car leurs maisons ne sont pas aseptisées. La présence d’allergènes dans le lait, le foin, l’eau non javellisée les protège des flambées inflammatoires et des maladies chroniques. Autre exemple : la présence de vers intestinaux chez les enfants – dans la grande évolution on a co-évolué, le ver pour survivre dégage une protéine qui bloque une fonction qui contrôle les excès inflammatoires, c’est pour cela qu’en Afrique il n’y a pas de victimes sauf dans les grandes villes où le microbiote est ravagé et uniforme ! Ça aussi c’est la biodiversité !!« 

A noter : les écologistes de la santé avec lesquels Marie-Monique Robin a échangé ont en commun de s’être intéressés aux hommes et à l’économie à force de creuser leurs propres sujets de prédilection… ils/elles sont arrivés à une conclusion commune en empruntant des chemins différents. Pour ces spécialistes, il est urgent de protéger les forêts tropicales, de réintroduire de la biodiversité partout, de lutter contre la pauvreté avec des mesures qui accompagnent les petits paysans, etc. « Il y a une dimension très politique dans leur discours : à les écouter, on comprend que nous sommes entrés dans une ère d’exposition aux maladies chroniques et infectieuses. Cela va coûter cher, ils en font la démonstration scientifique et prouvent à quel point nous devons maintenant agir pour préserver notre environnement« 

Alors que son livre sort en librairies cette semaine, Marie Monique Robin n’attend qu’une chose : être en mesure de partir en tournage. Bénéficiant de nombreux soutiens, c’est en compagnie de Juliette Binoche (et et l’écologue de la santé Rodolphe Gozlan, du Muséum d’histoire naturelle, partenaire du film) qu’elle mènera l’enquête, comme vous pouvez le voir dans le trailer suivant :

Pour boucler son budget, la réalisatrice a besoin de 5000 souscriptions (préachat de DVD et/ou participation à une avant-première), n’hésitez pas à passer le message, car comme elle le rappelle : « nous sommes tous interconnectés : on dépend des soignants, des livreurs, des liens commerciaux… mais on dépend aussi du reste du vivant, cessons de déforester et de négliger l’impact de nos modes de vie sur l’avenir de nos conditions de vie… »

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